L’affaire Madjoulba, du nom de l’ex-commandant en chef du premier Bataillon d’intervention rapide (BIR) retrouvé mort dans son bureau le 4 mai 2020, n’est pas prêt de connaitre un épilogue après la tenue d’un premier procès. En effet, les accusés, qui ont été condamnés le 7 novembre 2023 à la suite de ce procès, ont interjeté appel de leur jugement.
Cette action précède donc l’ouverture, avec ou sans éléments nouveaux, d‘un nouveau procès. Ce dernier devra, conformément aux dispositions, confirmer la décision du premier procès, ou l’infirmer. Les condamnés, insatisfaits d’un verdict qui les prive de liberté et de leur qualité de militaire, auront donc une nouvelle chance pour se défendre devant les juges de la cour d’appel militaire.
Le jury n’avait pas suivi le réquisitoire du procureur, ce que d’aucuns avaient qualifié d’avancée majeure et de signe d’indépendance entre les différentes instances. En requérant des peines de 50 ans et 40 ans d’emprisonnement contre les accusés, c’est finalement à 20 ans et moins que les accusés ont été condamnés.
Dans les détails, le général Abalo Kadangha, ancien chef d’état-major général des Forces armées togolaises (FAT), le caporal-chef Songuine Yendoukoua, chauffeur du défunt, et le colonel Kodjo Ali ont été condamnés à 20 ans de prison pour le premier et 15 ans de réclusion pour les deux autres. Le parquet avait demandé des peines de 50 et 40 ans d’emprisonnement.
Pour sa part, le commandant Balakyème Bouwè, commandant de l’unité de sécurité militaire et la soldate Laletou Akouna ont écopé chacun de 5 ans de prison. Les cinq condamnés tous militaires sont reconnus coupables de complicité d’assassinat, entrave au bon fonctionnement de la justice et complot contre la sûreté intérieure de l’Etat. Ils sont destitués et perdent leur qualité de militaires.
Tous les cinq sont condamnés à payer 1 franc symbolique à la famille du feu colonel Bitala Madjoulba et solidairement à verser à l’État togolais, la somme de 1 milliard de francs CFA pour préjudice. Le lieutenant-colonel Senam Agbonkou, ancien commandant en second du colonel Bitala Madjoulba et le commandant Kpatcha Atèkpè, adjoint au commandant de l’unité de sécurité militaire sont acquittés.
« La procédure suit son cours »
Interrogé sur le sujet le 12 décembre dernier au cours d’un déjeuner avec la presse, le président de la Cour suprême du Togo et président du Conseil supérieur de la magistrature, Abdoulaye Yaya, a affirmé : « l’a priori est le péché capital du magistrat. La seule faute du juge c’est de préjuger. Pourquoi répondre à une affaire dont la procédure suit son cours ».
Pour rappel, ce procès est le premier exercice du tribunal militaire qui a officiellement lancé ses activités le 9 octobre dernier. L’aboutissement d’un long processus qui a commencé depuis 1981 visant à renforcer l’État de droit.
Ce tribunal militaire est conçu sur la base du principe du double degré de juridiction. Ainsi, en plus du tribunal militaire, il y a une Cour d’appel militaire. Le premier niveau, c’est-à-dire le tribunal militaire, est présidé par Awal Ibrahim, ancien vice-président de la Cour d’appel de Lomé. La Cour d’appel militaire à sa tête, Kokou Amegboh Wottor, ex-président de la Cour d’appel de Lomé.
« Nous n’avons pas le droit de décevoir »
« Nous n’avons pas le droit de décevoir les plus hautes autorités, nous n’avons pas le droit de détruire la vision du chef de l’État qui veut que notre pays soit un État de droit fort et respectueux des règles. Nous avons à contribuer à bâtir notre justice et aujourd’hui c’est la justice militaire qui va aider encore à relever le visage de notre justice », a indiqué Pius. Agbetomey, le ministre de la Justice lors du lancement des activités du tribunal militaire.